Il fut l’une des premières superstars du poker lors du boom mondial des années 2000. Aujourd’hui encore, il reste un animal à part dans la ménagerie des pros. Prononcez le mot “Gus” lors d’une partie, et tout le monde saura immédiatement de qui vous parlez : Gus Hansen, et personne d’autre ! Prototype parfait du joueur complet et absolu, compétiteur hors normes, inventeur d’un style ultra-agressif ayant contribué à faire du poker un vrai spectacle télévisé, “The Great Dane” a tout connu : la Bobby’s Room du Bellagio, les salles high stakes privées de Macao, le plateau télé de High Stakes Poker et ceux du World Poker Tour, le bracelet WSOP et les plus grosses tables de cash-game online. Depuis avril 2024, c’est au sein de la meilleure équipe du monde - c’est lui qui le dit ! - que Gus s'est remis en quête de trophées.
Posez-lui la question aujourd’hui, et Gus Hansen vous répondra la même chose qu’il y a vingt ans. Joueur professionnel, gambler avant tout : voilà ce que le Danois a toujours été, voilà ce qu’il sera toujours. Les années passent et la bankroll fluctue, tout comme la fréquence de ses apparitions sur le circuit, mais le jeu, tous les jeux, restent imprégnés dans la fibre ADN du natif de Copenhague.
Comme beaucoup avant lui, ses instincts de compétiteur, c’est sur les terrains de sport que Gus les a aiguisés. À l’aise dans tous les jeux de raquette, il deviendra très jeune un tennisman affûté. Dans un univers parallèle, en cherchant bien, on doit probablement pouvoir trouver une fiche Wikipédia où le recordman de titres Grand Chelem se nomme Gustav Hansen… Mais dans le nôtre, c’est dans une discipline tout autre que Gus s’est d’abord fait un nom : le backgammon.
Plongé dès l’adolescence dans les subtilités de ce jeu millénaire, Gus développe une foule d’aptitudes qui lui seront d’une grande utilité des années plus tard, cartes en mains : jongler avec des probabilités complexes, savoir saisir les bons risques au bon moment, prendre des décisions sous pression, et gérer des enjeux financiers amenés à croître de façon exponentielle… Tout cela, en plus de lui fournir une bankroll lui permettant d’aller s’essayer à un autre jeu.
Nous sommes au milieu des années 90 : le poker, Gus Hansen l’avait déjà découvert lors de ses premiers voyages aux USA. Mais c’est bel et bien le backgammon qui lui ouvrira les portes des poker rooms de Las Vegas, via les nombreux “rounders” tout-terrain ayant un pied dans chaque monde, et avec qui il s’était lié dans les salles illégales de New York, comme Phil Laak et Huckleberry Seed. “J’étais assis derrière Huck Seed lorsqu’il a remporté le Main Event des World Series of Poker en 1996. C’était ma première visite des WSOP. Il y avait 301 joueurs inscrits cette année-là… et je crois bien que j’ai été éliminé en 301ᵉ place !”
D’autres que lui auraient pu se décourager. Mais la victoire de son ami Huck Seed lui servira d’inspiration, et pas seulement parce qu’il l’avait “staké” à hauteur de 10 % de son entrée, recevant en retour la même proportion de ses gains. Qu’importe si ses débuts au poker étaient infructueux : ses revenus étaient déjà confortablement assurés par ses prouesses au backgammon.
Avec le recul, on pourrait presque prêter à Gus Hansen des dons de prescience. Car il n’aurait pu mieux choisir meilleur moment pour signer son premier résultat sur une compétition officielle. 1ᵉʳ juin 2002 : nous sommes à l’aube d’un boom planétaire du poker. Au Bellagio de Las Vegas, la toute première étape d’un tout nouveau circuit télévisé nommé World Poker Tour vient de s’achever par la défaite de Scotty Nguyen, Freddy Deeb et John Juanda face à un Danois inconnu de tous, mais dont personne n’a pu ignorer le style de jeu, proprement extra-terrestre pour l’époque : ultra-agressif et imprévisible, capable de sur-relancer - et de gagner - avec n’importe quelles cartes de départ, même les plus mauvaises, et doté du sang-froid d’un kamikaze. “Il fait n’importe quoi, c’est que de la chance ! Il se brûlera vite les ailes”, persiflent nombre des barons établis de l’époque devant cette victoire à 550 000 $.
Sauf que : neuf mois plus tard, Gus Hansen recommence à Los Angeles, remportant un demi-million supplémentaire au Commerce Casino, toujours devant les caméras du WPT. Puis, en janvier 2004, la passe de trois, sur le bateau de croisière de la PokerStars Carribean Adventure. En moins de deux ans, grâce à un style de jeu aussi novateur que spectaculaire, Gus Hansen est devenu le premier joueur à remporter trois titres World Poker Tour, pile au moment où le Texas Hold’em envahit les télévisions et ordinateurs du monde entier. Les planètes sont parfaitement alignées : une superstar du poker est née.
On l’invite partout. Dans LA grosse écurie de joueurs de l’époque, Full Tilt Poker, dont il sera l’une des têtes de gondole les plus marquantes. Dans la Bobby’s Room du Bellagio, pour rejoindre The Corporation, groupe de joueurs high-stakes ayant mis leur bankroll en commun pour affronter le milliardaire Andy Beal sur la plus grosse partie de cash-game de l’histoire. Dans le classement des cinquante mecs “les plus sexy de la planète” établi par le magazine américain People. Et, bien entendu, sur les plateaux de toutes les émissions en vogue, dont High Stakes Poker, programme culte dont il fera les beaux jours avec notamment une confrontation à 500 000 $ entre son carré et le full de Daniel Negreanu. Partout, son air nonchalant et son humour pince-sans-rire font mouche. “Ce n'est pas que je sois super fort ou quoi que ce soit, mais il faut bien que quelqu’un gagne”, lâche-t-il entre deux victoires.
À ceux qui l’avaient surnommé “the mad man”, il répondra en 2008 en publiant Every Hand Revealed, récit minutieusement détaillé de sa victoire sur l’Aussie Millions de Melbourne : un best-seller traduit en dix langues, qui révèlera au grand jour une méthode, implacable et réfléchie, cachée sous la folie apparente du bonhomme, et fera figure de précurseur littéraire au programme Dans la Tête d’un Pro. Pour ceux qui estimaient que la marche des World Series of Poker était trop haute pour lui, il posera tout sourire sur la photo finale de l’épreuve de tête-à-tête des WSOP Europe 2010, bracelet de Champion du Monde au poignet. Quant à ceux qui haussaient les épaules en disant que son style de jeu, trop atypique, n’avait aucune chance de faire des émules, l’émergence de la fameuse “école scandinave”, incarnée par des jeunes talents comme Victor “Isildur1” Blom, les fera mentir cent fois.
Loin derrière lui sont les années où Gus Hansen squattait les plus grosses parties de cash-game en ligne, multitablant jour et nuit contre les meilleurs. Une période pas très heureuse financièrement, de son propre aveu. Mais, s’empresse-t-il d’ajouter, “si j’ai perdu, c’est que j’avais gagné l’argent pour me le permettre”. Au rencard aussi, le train de vie jet-set qu’on lui a prêté à l’époque où il était basé à Monaco.
Une chose, en revanche, que celui qui est désormais père de famille n’a pas perdu : son goût pour la compétition. Son nom continue d’apparaître dans les classements mondiaux de backgammon, et sa silhouette dégingandée hante régulièrement les salles de cash-game de Las Vegas. Son dernier défi en date, après avoir accumulé plus de dix millions de dollars de gains sur le circuit du poker live ? Celui du Team Winamax, qu’il rejoint officiellement au printemps 2024.
Entre Gus Hansen et l’équipe de pros européens, l’envie était mutuelle. “C’est le meilleur Team à l’heure actuelle”, dit-il aujourd’hui à propos des joueurs encadrés par Stéphane Matheu, avec qui il s’entraînait au tennis à Las Vegas vingt ans plus tôt, et à qui il avait fait découvrir le monde du poker. “J’ai hâte de pouvoir échanger avec mes coéquipiers. Et je pense aussi pouvoir leur apporter quelque chose de différent. J’espère créer la surprise dans les mois à venir…”
07/2024 | WSOP 8-Game Mix Championship 10 000 $ - Las Vegas | 8e (39 167 $) |
07/2024 | WSOP PLO High Roller 25 000 $ - Las Vegas | 71e (50 211 $) |
01/2012 | Aussie Millions 250 000 $ Challenge - Melbourne | 3e (800 000 A$) |
05/2011 | WSOP Heads-Up Championship - Las Vegas | 3e (283 966 $) |
09/2010 | WSOP Europe High Roller Heads-up - Londres | Vainqueur (288 409 £) |
04/2008 | World Poker Tour Championship - Bellagio, Las Vegas | Runner-up (1 714 800 $) |
10/2007 | World Poker Tour - Barcelone | 5e (100 600 €) |
07/2007 | World Series of Poker Main Event - Las Vegas | 61e (154 194 $) |
01/2007 | Aussie Millions - Melbourne | Vainqueur (1 500 000 A$) |
09/2005 | European Poker Tour - Barcelone | 5e (78 000 €) |
03/2005 | World Poker Tour Shooting Star - Bay 101, San Jose | 3e (320 000 $) |
02/2005 | Poker Superstars Invitational Tournament - Caesars Palace, Las Vegas | Vainqueur (1 000 000 $) |
01/2004 | World Poker Tour PCA - Caraïbes | Vainqueur (455 780 $) |
12/2003 | World Poker Tour Championship - Bellagio, Las Vegas | 3e (276 426 $) |
02/2003 | World Poker Tour L.A. Poker Classic - Commerce Casino, Los Angeles | Vainqueur (532 490 $) |
05/2002 | World Poker Tour Five Diamond Classic - Bellagio, Las Vegas | Vainqueur (556 460 $) |