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[Blog] Mais sinon, t'as perdu combien ?

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Joeo Vieira
Commençons cet article par un petit exercice. Choisissez l'un de vos joueurs de tournoi préférés, n'importe lequel. Maintenant, posez-vous la question : combien d'argent a-t-il/elle gagné durant toute sa carrière ? Une fois que vous êtes arrivé à une estimation (à l'aide de Hendon Mob, PocketFives, etc), sortez votre couteau et taillez dans le vif. Je veux dire : divisez le chiffre par quatre. Eh bien, sachez-le : même après cette division, vous êtes encore bien au-dessus de la véritable somme !

Le circuit des tournois est rythmé par des distributions de grands trophées et une pluie continue de sommes mirobolantes. Tout le monde se focalise sur les joueurs arrivant au sommet de l'échelle des gains : les autres sont plus ou moins laissés de côté. Les gros titres des gazettes diront « Naza a gagné tel ou tel tournoi pour 100 000 $ », mais vous ne lirez jamais « Naza n'a pas signé une seul perf cette semaine. » Et c'est très bien comme ça. C'est le jeu !

La réalité du poker de tournoi est bien moins glorieuse qu’elle n’en a l’air. L'activité de joueur de MTT pourrait être résumée ainsi : on enquille les échecs les uns après les autres, puis un beau jour on parvient à triompher.

Du coup, il se passe quoi, pendant les périodes entre ces quelques triomphes ? Eh bien, on tente notre chance. On essaie. On essaie encore. On se prend des tas et des tas de "non" avant d'entendre, une fois de temps, "Mais oui papa !"

Parlons chiffres.

La plupart des tournois paient entre 12 et 15% du field. La majorité des pros atteindra les places payées entre 15 et 20% du temps. Un pro va donc rentrer bredouille 4 ou 5 fois entre chaque ITM (et ça inclut les min-cashs !).

J'estime que la majorité des pros de tournois sont gagnants sur entre 20 et 40% de leurs sessions en ligne, en fonction de la taille des fields, des structures et des tournois qu'ils choisissent.

Une grande partie de ces pros vivront entre 35 et 50% de mois gagnants par an, et ce presque chaque année. Mais attention : ce ne seront pas systématiquement des mois très profitables marqués par de grosses victoires. Ceux-là, ils sont beaucoup moins fréquents.

Et le jour où LA super perf' se pointe, on en revient forcément à la fameuse question : « Mais sinon, t'as perdu combien ? »

Joeo Vieira

Avant toute chose, voyons plutôt combien on a réellement gagné.

C'est connu, la plupart des pros ne jouent pas 100% de leur action à chaque tournoi. Parfois, ils vendent des parts, ou "swappent" (échangent leur action) avec d'autres joueurs, dans le but de réduire la variance. Pour un tournoi à petit buy-in, ils conserveront probablement la majeure partie de leurs bénéfices, mais sur un très gros buy-in (par rapport à leur moyenne habituelle), il y a de fortes chances que d'autres personnes aient mis la main au portefeuille, et les attendent donc à la sortie pour récupérer une partie des gains. On connait tous les rumeurs à propos de certains joueurs des Super High Rollers (la majorité des joueurs ?), qui ne joueraient que pour un pourcentage compris entre 10 et 25% de leur action lors des tournois à 50K, 100K, 250K l'entrée, etc. Tout cela réduit l'espérance de gain, bien entendu.

Ensuite, combien a-t-on dépensé avant de claquer un high score ? Combien de buy-ins sont partis en fumée depuis la victoire précédente ? A-t-on collectionné quelques menus scores entre temps ou non ? Si on parle d'un mec en pleine bourre qui vient d'enchaîner plusieurs finales, probablement qu'il va pouvoir profiter de la majorité de la somme tout juste gagnée. Mais si à l'inverse, il s'agit d'un joueur dont le nom était absent des premières pages depuis un moment, il est probable qu'il était en train de saigner depuis longtemps : avec cette dernière perf, il vient certes de stopper l'hémorragie, mais cela ne suffira qu'à le remettre à flot. Break even, comme on dit. Vous seriez surpris par la quantité de joueurs très connus qui ont signé de beaux résultats, mais qui n'en ont pas pour autant dégagé un vrai profit.

Enfin, parlons du ROI (Retour sur Investissement). Le ROI de la plupart des pros MTT oscille entre 10 et 20 %. Ce chiffre peut se rapprocher des 30% sur le long terme, mais seulement pour de très bons joueurs parvenant à gagner gros et respectant un calendrier bien structuré. Si leur agenda comporte des tournois considérés comme faciles, ils peuvent grimper jusqu’à 40% de ROI, mais si l'on parle de live il faut prendre en compte les hôtels, les avions, toutes les dépenses qui réduisent considérablement les bénéfices qu'on peut tirer des tournois à buy-in petit ou moyen.

Joeo Vieira

Cela nous ramène à la question initiale : « Mais sinon, t'as perdu combien ? » À mon avis, le profit des tops pros après un gros titre équivaut à un chiffre compris entre 10 et 25 % de la somme gagnée. Par exemple, pour une victoire à 100 000 €, le véritable bénéfice se situera entre 10 000 € et 25 000 €.

Si de tels joueurs sont en plein milieu d'un run de folie, ce chiffre sera sans doute plus élevé. Mais s’ils sont dans une mauvaise passe, il se peut que leur véritable profit soit moins élevé... voire nul ! La variance existe et existera toujours, elle ne cessera jamais de faire fluctuer les marges, mais cette estimation est fiable, selon moi.

Les tournois de poker sont bien plus difficiles qu'il n'y paraît. On tente des trucs, et ça ne marche pas à tous les coups. C’est comme une séance photo : on en prend beaucoup, mais on en rate un paquet avant de trouver le cliché parfait. La plupart de mes journées passées à jouer au poker, je les termine avec un peu moins d'argent dans les poches que la veille. Et ça, c’est une chose que vous devez avoir en tête avant chaque tournoi. Ça fait partie du deal : vous perdrez souvent de petites sommes... et puis, de temps à autre, vous ferez sauter la banque. Ne l'oubliez jamais, et ne déviez jamais d’un bankroll management intelligent.

Ne vous faites pas de bile. C'est normal de perdre la plupart du temps. Les meilleurs joueurs de tournois du monde n’échappent pas à la règle. Mais tout ça ne nous empêchera pas de pratiquer notre passion. Gagner n’est pas tout : ce jeu va bien au-delà des dollars et des euros.

Et c’est ce qui rend le poker de tournoi aussi beau.


Naza114

En ligne comme en live, l'ancien basketteur pro devenu triple Champion WSOP collectionne les records et trophées avec une régularité effrayante.

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