Salut les gars !

Comme vous savez, je me trouve actuellement à Las Vegas pour jouer les World Series of Poker. À l'heure où j'écris ces lignes [il y a huit jours, NDLR], j'en suis environ à la moitié de mon programme. Jusqu’ici, j'ai joué 12 tournois pour deux places payées, dont un bon deep run achevé avec une 13e place sur le 1 500 $ 6-Max. Malheureusement, j’y ai perdu en demi-finales un pot très intéressant qui m’aurait permis de prendre la deuxième place provisoire à 13 joueurs restants... Je vous raconte la main en question.

Jeu exploitant

Pour commencer, le bouton relance à 200 000 et je suis de petite blinde. Ça tombe bien, j'ai un read flagrant sur ses bettings patterns [schémas de mises]. Jusqu'à maintenant, le bouton a toujours relancé à 3x ou 3,5x quand il avait de belles mains, ou min-raise avec des mains spéculatives. Et je sais que le joueur en BB, Joe Cada, a lui aussi remarqué ces détails.

Je suis donc en SB, avec As-Roi dépareillés. J’ai 3,1 millions de jetons, c’est-à-dire 31 BB. J'ai monté ce stack sans showdown, alors que j'avais commencé la journée avec 1,9 million.

Je décide de relancer à 750 000, un sizing assez large. Surrelancer à tapis est sûrement EV+, mais il s’agit d’un spot où je pourrais avoir l’intention de bluffer. Donc, j'aime bien avoir A-K dans ma range de 3-bet, particulièrement avec ma lecture sur le joueur au bouton. Je ne m’attends pas à beaucoup de calls sur mon 3-bet, mais plutôt à pas mal de limp/folds. Le bouton dispose de 60 BB, un stack qui empêche Joe Cada de tenter des moves.

Mais je pense aussi que Joe peut pratiquer un jeu exploitant sur mon 3-bet, en élargissant beaucoup sa range de 4-bet jam avec des mains comme KQ/KJ ou AXs : en effet, je pourrais aussi 3-bet en bluff et folder sur un all-in, particulièrement avec ce sizing. Et Joe peut se dire que je prends peu de risques car je m'attends souvent à un fold du bouton sur lequel je pratique ici un jeu exploitant. Sauf que ce n'était pas tout à fait le cas...

Je vous explique : j’ai bien joué exploitant... mais sur Joe ! Car au final, il a fait tapis en BB avec As-8 dépareillés, le bouton a foldé et j'ai évidemment payé. J'ai perdu, mais ce n’est pas grave. La chose la plus importante est de réussir à reconnaître des situations et de s’adapter en temps réel, de réussir à comprendre comment les autres nous perçoivent et d'agir en conséquence pour pousser notre adversaire à la faute. Au final, comme dans n’importe quel sport, on gagne ou on perd mais on retient la performance, ce qui la plupart du temps nous permet de toujours jouer à 100%.

Un semi-bluff pour faire la diff"

Ensuite, j'ai réussi mon deuxième ITM sur le Shootout à 1 500 $. J’ai gagné ma première table en jouant assez low variance, accumulant des jetons petit à petit. Je me souviens avoir gagné une main en 3-handed : sur les blindes 1 000/2 000, je relance du bouton, avec 120 000 de tapis. La big blind, avec 80 000 de stack, décide de 3-bet à 12 000. Il me semble que c'est un move un peu "forcé", et je paye avec 64. Le board vient A-9-3 avec deux piques, avec pour moi un tirage pique donc et une backdoor quinte. Mon adversaire mise 14 000. Selon moi, il ne peut pas avoir un As vu la taille de sa mise, et avec A-A en main on ne c-bet pas pour un montant si élevé.

Après analyse de son betting pattern, j’ai donc décidé de floater en me disant que je pourrais faire un move sur de nombreux turns. Vient un 10, mon adversaire check et je fais tapis : résultat, il snap/fold. Dans cette situation, même une petite mise au turn, ou une mise sur une brique ou un pique à la river - si jamais je n'avais pas la flush - auraient bien fonctionné. Ce coup m'a permis de creuser significativement l'écart avec les autres joueurs, et j’ai pu remporter facilement plusieurs mains pour finalement gagner ma table. Malheureusement, au deuxième tour j’ai tout de suite perdu un coinflip avec A-K contre 10-10 : il n’y avait pas grand-chose à faire.

Pourquoi j'ai décidé d'analyser ces deux mains ? Si elles peuvent sembler basiques, elles montrent surtout qu'en live il n'y a pas qu'une seule manière de jouer. En live, on peut récolter beaucoup plus d’informations sur nos adversaires, et nos décisions peuvent évoluer en conséquence. Me concernant, je sors des sentiers battus seulement quand j’ai beaucoup d’informations en ma possession ou un élément probant qui me fait définir différement la range de mon opposant. Les top players savent identifier cela et adapter leur jeu, au cas par cas. Encore une fois, il est important de rester concentré... En conclusion, je suis assez satisfait de ma performance globale et je reste confiant pour la fin des WSOP.

Ragazzi, je vous dis ciao depuis Las Vegas. À bientôt !